La Vie a Venir , Gallery BKI, Paris

LA VIE A VENIR / Exposition de Lyuben Petrov
Le vernissage : le 1 février, 18h30-21h00

« Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux voit, que chacun d’eux est. »

En 1923, Marcel Proust écrivait ce texte, « À la recherche du temps perdu », et peut-être en perspective de « La Vie A Venir ». Chaque fois que je suis devant les œuvres de Lyuben Petrov ou que je parle avec lui au sujet de son art, je me réfère à ce texte. Il décrit d’ailleurs très bien notre dernière conversation sur l’exposition en cours et sur ses œuvres. Selon Lyuben, l’artiste est un vecteur de sentiments, de l’histoire qui se déroule, la et maintenant. Ses œuvres sont un reflet du monde vu à travers l’expérience intérieure.

Les contes des œuvres de cette exposition ne se déroulent pas dans un temps précis. Elles ne sont pas liées au passé ou à une recherche spécifique dans un futur lointain, et elles ne sont pas le produit d’une intemporalité créative. Elles sont le reflet du réalisme intérieur de l’artiste, une sorte d’art conscient, presque prophétique, rempli de la tension apocalyptique du présent. Ce fait est implicite dans la palette, le contraste, l’énergie et même les formats verticaux des toiles.

Toutes ces œuvres de l’exposition sont liées à la perception qu’a l’artiste de la vie et de l’homme dans son ensemble. Les thèmes qu’il explore sont provoqués par la caractéristique autodestructrice de l’homme que Lyuben appelle « réalisme magique ».Chaque thème est l’un de ses cent univers ainsi renommés : « Queen Bee »« Post Pandemic »« Les liaisons » et « Le feu, suit moi ».

« Queen Bee » est une série au thème apocalyptique. Selon Petrov, elle comporte une iconographie religieuse liée au salut de notre planète. La trame comprend une dizaine d’œuvres audacieuses et directes dans lesquelles la femme est la figure de proue. Lyuben aime l’idée de la femme salvatrice. Non seulement celle qui est mère, mais aussi celle qui est chasseuse et séductrice. Dans “Queen Bee”, la femme est une interprétation vivante du sauvetage scientifique… toujours est-il que l’abeille est la plus proche du soleil et de la vie, mais qu’elle peut aussi être mortelle.

« Post Pandemic » réunit demi-humains, chimères et prédictions de cataclysmes. Inspiré par le “Méphistophélès dans l’air” d’Eugène Delacroix et son démon au long visage, Luben Petrov remplace les visages humains par des becs. Comme les masques vénitiens portés par les médecins pendant la peste. Le fléau de notre époque est que nous vivons comme si nous étions immortels, et cette remise en cause de la pulsion nous conduit paradoxalement à la destruction que nous redoutons.  Comme le dit l’auteur, “nous sommes comme un oiseau vorace, ou plus exactement un glouton coincé dans les déchets dont il se nourrit”.

Avec cette série, l’auteur ouvre Pandore et conduit son récit vers ses observations et expériences personnelles. Une sorte d’équinoxe, où chacun accepte ses semblables dans la bulle de l’enfermement extrême. C’est comme si nous étions piégés dans un sous-marin où rien, ni personne n’est acquis.

Se cramponner à l’amour comme à une bouée de sauvetage ; rechercher constammentl’approbation inconditionnelle de nos partenaires ; valider les attentes que nous avons à leur égard et le désir d’atteindre l’équilibre sont explorés en détail par Lyuben dans « Les liaisons ». Là encore, la femme joue un rôle de premier plan et ce n’est pas un hasard si elle est représentée sous la forme d’une pieuvre.
L’artiste est impressionné par le folklore japonais et ses estampes. En particulier, celle qui inspire l’image de la femme pieuvre à la gravure sur bois d’Hokusai intitulée “Le rêve de la femme du pêcheur“.

L’image de la femme pieuvre présentée dans l’exposition actuelle est pour le moins fascinante. À la fois gracieuse, magistralement construite à partir de coups picturaux de pinceau, elle est – à un degré qui, j’imagine, varie grandement selon le spectateur – repoussante, transgressive et excitante.

Feu, suis-moi” est le thème ultime de l’exposition « La vie à venir » et oui, c’est un sujet brûlant qui explore le feu comme purgatoire de nos âmes confuses. Je ne pense pas que la série doit être décortiquer à la loupe, ni ce que l’artiste recherchait et pourquoi il l’a dit comme il l’a fait. Les œuvres sont simples et constituent une extension de ses explorations artistiques pour nous emmener dans « le trou du lapin ».

Lyuben Petrov ne cherche pas, à travers son art, une solution aux problèmes posés. Il veut raconter une histoire, d’abord à lui-même, puis au spectateur. Son but est d’offrir un autre point de vue, et il est censé chatouiller et peut-être éveiller une expérience plus profonde et intérieure chez le spectateur.

texte : Tsvetelina Anastasova

*Marcel Proust. A la recherche du temps perdu, La Prisonnière (1923) Marcel Proust.                                    Toile/ Miles Hyman.